Maîtriser l’utilisation des logiciels dans un monde numérique
Lorsque j’étais consultant dans les années 90, j’ai écrit un article pour le magazine de la Banque Bruxelles Lambert, baptisé "BBL Entreprise", concernant la planification financière. En effet, une application pour l’automatisation du processus de planification financière venait de voir le jour. La BBL a été rachetée par le Néerlandais ING Group en 1998 et a donc cessé d’exister à partir de cette date, mais la numérisation, elle, a continué sa progression!
'L’enfer d’Excel, c’est du passé'
Il ne se passe pas un jour sans que les professionnels de la finance soient contactés par des fournisseurs de logiciels qui prétendent que « l’enfer d’Excel, c’est du passé », que leur app conviviale fait économiser de l’argent ou encore que leur solution révolutionnaire réduit les cycles de clôture au maximum... Dans la nouvelle ère post-Covid, ces fournisseurs organiseront certainement de magnifiques conférences et consacreront leur budget marketing à attirer des cadres de la finance vers leurs solutions logicielles.
Mais ces professionnels de la finance ont-ils hiberné ces 25 dernières années au point de ne pas savoir comment utiliser un logiciel? Qu’en est-il des nombreuses implémentations au cours des décennies passées?
Pour maîtriser l’utilisation des logiciels, il faut investir lourdement dans la formation et le changement et il faut disposer d’une équipe qui comprend la vision holistique et stratégique de l’entreprise
Serge Vigoureux
En tant que Project Manager à la BBL, j’ai construit une application permettant de générer un plan financier. Elle était distribuée sur DVD aux agences de la banque. Si cet outil n’est plus disponible, ce n’est pas parce qu’il ne reste quasiment plus aucune agence bancaire, mais pour 2 autres raisons.
Tout d’abord, les logiciels ont évolué et l’application devrait être redéveloppée dans un environnement différent, plus actuel. Les anciennes versions devraient être retirées de la circulation. Ensuite, il fallait une certaine formation pour utiliser ce logiciel. Nous avons rédigé la documentation nécessaire et organisé des formations aux divers sièges à travers le pays. Le personnel BBL était formé à cet outil et pouvait aider les clients à créer des plans financiers pour simuler des besoins financiers.
Les organisations sont des entités vivantes
L’implémentation de plusieurs systèmes ERP et de reporting m’a mené à la même conclusion. S’il est implémenté correctement, un système peut fonctionner pendant plusieurs années. Mais plus le temps passe, plus les gens deviennent négligents. Les processus standards sont modifiés et les nouveaux utilisateurs n’utilisent pas le système correctement. Les demandes de changements entraînent des modifications de la structure de base, et les master data finissent par être polluées.
La seule raison de cette évolution est que les organisations changent rapidement. Les organisations sont des entités vivantes. Leurs processus et leur personnel changent, mais les systèmes ne suivent pas automatiquement. Lorsque des personnes en charge de l’implémentation quittent l’entreprise ou changent de rôle, la formation et la documentation ne sont souvent plus mises à jour et la maîtrise des anciens systèmes diminue.
Adopter une approche à long terme
L’évolution des organisations est la principale raison pour laquelle toutes les nouvelles implémentations devraient être basées sur une vision à long terme. Il ne suffit pas d’automatiser simplement les processus as-is, car ceux-ci seront bientôt supprimés par le business. Il vaut mieux se préparer pour l’avenir et essayer d’anticiper les changements. Et aussi se préparer pour l’agilité, car l’automatisation doit être une réponse rapide au changement, et non pas perturber l’agilité.
Se préparer pour l’avenir et l’agilité : l’automatisation doit permettre de répondre rapidement au changement
Serge Vigoureux
Mais le principal facteur de succès, ce sont les humains, pas les systèmes. Il faut des consultants IT pour implémenter vos systèmes, mais ceux-ci ne remettront pas en question vos besoins fonctionnels. Pour une implémentation réussie soutenue par votre organisation, il faut transposer les besoins du business dans l’outil en question. Un processus optimisé est le plus grand facteur de réussite. Si des optimisations sont possibles, n’implémentez pas le même processus dans un différent outil. Dans un environnement de reporting, un bon modèle de données est un must pour augmenter la qualité des rapports. L’implémentation d’un outil doit s’accompagner d’avantages pour l’entreprise.
Investissez en masse dans la formation, à tous les niveaux ! Il vous faut une formation à un niveau conceptuel élevé afin que l’ensemble de l’architecture informatique soit connu des principales parties prenantes et que les changements au sein de l’organisation puissent être traduits en des applications appropriées, plutôt que de vous retrouver dans un méli-mélo d’applications différentes et cloisonnées.
Vous devez investir dans la formation des utilisateurs clés pour que les processus restent vivants dans les systèmes. Ainsi, chacun saura comment utiliser correctement les systèmes. Prévoyez également une sorte de récompense pour ces personnes, afin qu’elles comprennent ce que sont des données de qualité et comment les obtenir. Prenez l’exemple des activités à plus forte valeur ajoutée que ces personnes pourraient réaliser au lieu de saisir des données, en fournissant des informations supplémentaires grâce à l’utilisation de ces données, en gagnant du temps grâce à des processus qui fonctionnent et ne se bloquent pas en raison du manque de données, etc.
Maîtriser l’utilisation de logiciels par le biais d’initiatives d’apprentissage et de développement
Les logiciels actuels offrent nettement plus de fonctionnalités qu’il y a 20 ans, mais l’implémentation a de tout temps été une étape complexe. L’importance de maîtriser des projets de numérisation n’a augmenté que parce que le nombre de logiciels disponibles a grimpé, parce que la numérisation revêt aujourd’hui une importance stratégique et parce que les fournisseurs poussent de plus en plus la vente de leurs produits.
Les logiciels seuls ne suffisent pas : la clé du succès réside dans leur maîtrise. Les entreprises sont les seules à pouvoir développer cette maîtrise, qui repose sur des initiatives d’apprentissage et de développement. Il faut une équipe qui comprend la direction holistique et stratégique de l’entreprise, et il faut investir lourdement dans la formation et le changement. La fourniture d’informations supplémentaires est un facteur clé pour une analyse positive afin d’obtenir le financement de toutes ces initiatives.
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